Aller au contenu principal
Blog
  • 27.04.2022

L'innovation des enseignants est essentielle pour des systèmes éducatifs résilients : leçons tirées du Forum de dialogue politique 2021

Rédigé par Carlos Vargas Tamez, Chef du secrétariat de l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030 et Chef de la Section pour le développement des enseignants (UNESCO) et Anna Conover, consultante.

Cet article a été publié pour la première fois par le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) le 22 avril 2022.


Les crises imprévues, telles que la pandémie de COVID-19, et les conflits violents nous rappellent que les enseignants et les systèmes éducatifs doivent être en mesure de s’adapter rapidement à un contexte changeant afin de répondre aux besoins des enfants et des jeunes en matière d’apprentissage. La capacité à innover représente l’une des clés de la construction de systèmes éducatifs résilients. S’inspirant des nombreuses innovations auxquelles la pandémie a donné lieu dans le secteur de l’éducation, l’Équipe spéciale sur les enseignants a choisi « L’innovation dans les politiques et les pratiques enseignantes au service du redressement de l’éducation » comme thème de son 13ème Forum de dialogue politique, qui s’est déroulé à Kigali (Rwanda) et en ligne, les 2 et 3 décembre 2021.

Cet article présente certains des principaux sujets abordés au cours du Forum, notamment l’innovation dans l’enseignement et l’apprentissage, dans la formation des enseignants et dans les politiques. Le Rapport final, publié récemment, en présente un résumé.

L’autonomie des enseignants est essentielle pour une innovation significative dans l’enseignement et l’apprentissage

Les enseignants sont les mieux placés pour évaluer les conditions de leur propre classe. En fonction de celles-ci, ils innovent et adaptent leur pratique, mais souvent leurs innovations restent méconnues. Le Forum a souligné la nécessité de promouvoir l'autonomie et la capacité d'action des enseignants, c’est-à-dire leur capacité à agir de manière indépendante, afin de favoriser la mise en œuvre d'innovations pédagogiques significatives. Or, les enseignants ont besoin de formations, de ressources suffisantes, de bonnes conditions de travail et de soutien pour acquérir l’autonomie et les moyens d’action requis pour créer, mettre en œuvre et évaluer de nouvelles façons d’enseigner qui amélioreront l’apprentissage et le bien-être des élèves.

Insistant sur le fait que l’enseignement et l’apprentissage reposent sur les relations, les participants au Forum ont donné des exemples de méthodes novatrices utilisées par les enseignants pour collaborer avec leurs pairs et les parents pendant la pandémie. Par exemple, en réponse à la fermeture des écoles, la Commission des services des enseignants du Kenya a fournis aux éducateurs des conseils sur la manière de soutenir leurs collègues et d’offrir un soutien psychosocial aux familles et aux élèves. En plus de discuter de leurs pratiques d’enseignement, les éducateurs ont ainsi pu échanger des ressources entre eux et avec les familles des élèves. les principaux enseignements tirés de cette expérience sont désormais pris en compte dans les politiques kenyanes de soutien à l'apprentissage en ligne et au développement professionnel des enseignants.

Les innovations utilisant des technologies numériques doivent être adaptées à chaque contexte

Les participants au Forum ont également discuté du rôle des technologies numériques dans l’innovation, soulignant l’importance de les adapter au contexte et aux besoins plutôt que de recourir à des solutions universelles. Si la pandémie a décuplé le besoin d’innover à l’aide de technologies, satisfaire aux exigences d’une éducation équitable, inclusive et de qualité nécessite également d’évaluer, de déployer à plus grande échelle et de perfectionner les innovations apportées. Par ailleurs, il est important que les technologies numériques ne reprennent pas le modèle d’apprentissage mécanique et passif qui entraîne une uniformisation excessive. Elles doivent plutôt être conçues et mises en œuvre suivant une variété d’approches qui permettent de faciliter l’emploi de méthodes pédagogiques axées sur les élèves et la réforme de l’éducation.

La formation des enseignants doit être intégrée à des parcours professionnels définis

La formation continue des enseignants doit faire partie intégrante de leur parcours professionnel, et aligné sur les normes et les systèmes de responsabilisation des enseignants. Les participants au Forum ont étudié la nécessité pour les pays de ne pas introduire d’innovations fragmentées, c’est-à-dire non conformes aux principes communément admis. Pour ce faire, les pays devront accorder les différents niveaux d’enseignement et faire coïncider la formation initiale et continue des enseignants. Il sera aussi nécessaire d’améliorer l’harmonisation des programmes scolaires existants, de la formation continue des enseignants et de l’évaluation des élèves afin que ces derniers obtiennent de meilleurs résultats.

Compte tenu des enseignements tirés de la pandémie, les enseignants devraient également être formés au moyen de programmes d’apprentissage entre pairs et de mentorat. Plus particulièrement, la formation des enseignants doit leur fournir des compétences de réflexion et de recherche qui les préparent à apprendre tout au long de leur vie et les rendent capables d’adapter leurs pratiques en fonction de l’évolution du contexte, tout comme de répondre aux besoins évolutifs des élèves. Les établissements de formation des enseignants et de recherche sur l’éducation ont un important rôle à jouer dans le soutien à un tel dialogue continu, notamment lorsqu’il s’agit de relever les défis dus à des transformations rapides.

L’innovation dans l’élaboration des politiques doit être inclusive et collaborative

Les enseignants doivent participer aux prises de décision et à l’adoption des politiques. L’un des exemples présentés au cours du Forum est l’élaboration par le Ghana d’une politique nationale globale relative aux enseignants, que le bureau de l’Équipe spéciale sur les enseignants dans le pays a coordonné en collaboration avec le Service d'éducation du Ghana, des partenaires de développement et d’autres acteurs. Ce processus collaboratif a instauré un cadre de dialogue social avec les enseignants et leurs représentants aux niveaux local, du district et national.

Les politiques doivent également être fondées sur des données qui reflètent les réalités du concrètes. Il L'innovation sur le terrain peut être renforcée par la participation des enseignants à la collecte et à l'analyse des données. Avec une formation adéquate, les enseignants et les chefs d'établissement peuvent utiliser les données pour évaluer leurs propres pratiques et relever les défis dans leurs propres écoles. Un exemple d’utilisation novatrice des données vient de la Gambie, dont les écoles déterminent leurs propres indicateurs et objectifs au moyen d’un processus consultatif auquel participent notamment les enseignants, les parents, les élèves et leurs communautés.

Les politiques doivent trouver un équilibre entre des cadres clairs et la souplesse nécessaire pour répondre aux conditions locales

Les innovations en matière de politique relative aux enseignants présentées au cours du Forum portaient notamment sur l’établissement de nouvelles formes de partenariats avec des organisations de la société civile et des organismes de financement. Par exemple, un atelier inédit organisé par l’UNESCO et l’Équipe spéciale sur les enseignants a réuni des décideurs politiques de différents pays afin d’éclairer la mise en place d’un conseil national de l’enseignement à Saint-Kitts-et-Nevis. Plutôt que d’imposer une approche unique, cette démarche a permis aux décideurs d’étudier différents types de structures nationales en plus des rôles assumés par un certain nombre de pays à revenu faible ou élevé avant la création de leur propre conseil national des enseignants.

Les enseignants sont indispensables aux innovations nécessaires pour « reconstruire en mieux » au lendemain de la pandémie de COVID-19. Leur professionnalisme doit toutefois être reconnu et soutenu, de même que les mesures expérimentales et d’adaptation doivent s’inscrire dans des cadres politiques clairs. Les gouvernements, les institutions de formation des enseignants et les autres acteurs doivent trouver un équilibre entre la structuration et l’accord d’une marge suffisante afin d’encourager les innovations ascendantes (sur le terrain) et descendantes (concernant l’ensemble du système), de manière qu’elles puissent contribuer à garantir une éducation équitable, inclusive et de qualité pour tous.

Téléchargez le Rapport final du Forum de dialogue politique sur l’innovation dans les politiques et les pratiques enseignantes au service du redressement de l’éducation.

Crédit photo : GPE/Alexandra Humme

Événement
  • 25.04.2022

Comment réviser la Recommandation de l'UNESCO de 1974 ? Prenez la parole !

Pour participer à la consultation des enseignants veuillez vous inscrire ici.

Cette consultation des enseignants est organisée par l'Internationale de l'Education en collaboration avec les sections de l'UNESCO sur le développement des enseignants et pour l'éducation à la citoyenneté mondiale et à la paix et l’Equipe Spéciale International sur les Enseignants pour l'Éducation 2030 (TTF). L'objectif de l'événement est de recueillir les points de vue et les perspectives des enseignants pour mettre à jour la Recommandation de 1974.

La Recommandation de 1974 est un instrument normatif visant à encourager l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et de programmes éducatifs efficaces qui contribuent à la construction d’une société juste, durable, pacifique et saine.

Face à la multiplication des facteurs qui menacent actuellement la paix mondiale et la survie de l’humanité, tels que le changement climatique, les pandémies, les maladies infectieuses, l’émergence d’idéologies violentes et haineuses, les théories conspirationnistes, les inégalités persistantes, les discriminations et la xénophobie, l’UNESCO a décidé de réviser sa Recommandation de 1974 afin de mieux refléter la complexité du paysage mondial actuel et adapter cet instrument au contexte actuel.

Nous vous invitons à consulter la note conceptuelle de l’évènement afin d’avoir de plus amples informations, l'ordre du jour ou consulter les questions directrices afin de préparer la discussion.

L’interprétation simultanée en anglais, espagnol et français sera disponible

Si vous avez des questions sur l'événement, n'hésitez pas à contacter Jennifer.ulrick@ei-ie.org.

 

Événement
  • 13.04.2022

Lancement du Plan stratégique de la TTF 2022-2025

L'Équipe Spéciale Internationale sur les Enseignants pour Éducation 2030 lancera officiellement son nouveau Plan stratégique 2022-2025. Cet événement permettra de montrer de quelle manière la communauté internationale unit ses forces au sein de cette alliance mondiale unique pour les enseignants. Son objectif est de promouvoir la profession d'enseignant comme étant le fondement de l'accès de chaque enfant à un enseignement et un apprentissage de qualité.

Parmi les intervenants figurent la Sous-Directrice de l'UNESCO pour l'Éducation et les deux coprésidents du comité directeur de l'Équipe Spéciale Internationale sur les Enseignants - à savoir les représentants de l'Allemagne et de l'Afrique du Sud.

Ordre du jour provisoire :

agenda FR

Crédit photo : Dominic Chavez/World Bank

Nouvelles
  • 04.04.2022

Situations d’urgence : soutenir les enseignants grâce à des politiques adaptées aux crises

Rédigé par Karen Mundy, Directrice de l’Institut international de planification de l’éducation (UNESCO) et Carlos Vargas-Tamez, Chef du Secrétariat de l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030 et Chef de la Section pour le développement des enseignants (UNESCO).


Les événements qui se déroulent actuellement en Ukraine nous rappellent brutalement que des crises peuvent frapper n’importe où, n’importe quand. Par ailleurs, d’autres crises en cours telles que la pandémie de COVID-19 ainsi que divers conflits et catastrophes à travers le monde, y compris ceux dus aux changements climatiques, menacent la continuité et la qualité de l’éducation, en particulier pour les personnes déplacées. En 2021, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a indiqué que plus de 84 millions de personnes dans le monde avaient été contraintes de quitter leur lieu de vie. En 2022 ce chiffre devrait augmenter, car plus d’un million et demi d’enfants ont déjà fui l’Ukraine.

Les systèmes éducatifs sont-ils prêts à réagir ?

Les systèmes éducatifs ne sont généralement pas suffisamment préparés à faire face aux crises, qu’il s’agisse d’accueillir l’arrivée soudaine des enfants réfugiés, d’assurer la sécurité des apprenants et des enseignants, ou de devoir passer rapidement à l’apprentissage à distance. De nombreux pays des plans de préparation, réponse et rétablissement après aux crises font défaut, ce qui risque d’aggraver des situations déjà chaotiques, et laissent les intervenants de première ligne avec peu d’orientations et des équipements limités pour réagir efficacement.

Les établissements scolaires et leurs communautés sont trop souvent directement ciblés par les attaques. Entre 2015 et 2019, plus de 8 000 élèves, enseignants et autres membres du personnel d’établissements scolaires de 37 pays touchés par des conflits ont été tués, blessés, enlevés, menacés, arrêtés ou détenus, selon la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques. D’après de nombreux rapports, les écoles feraient l’objet d’attaques en Ukraine.

Comme la pandémie de COVID-19 l’a montré, les enseignants, qui sont eux-mêmes touchés par la crise, assument souvent un rôle de soutien essentiel auprès de leurs collègues et de leurs élèves. Ils peuvent favoriser un sentiment de sécurité et de normalité, tout en apportant aux familles et aux communautés des informations importantes. Leur soutien aux apprenants est fondamental. Toutefois, les enseignants ne peuvent exercer ce rôle que si leurs besoins sont d’abord satisfaits. 

Par exemple, ils doivent disposer des outils nécessaires pour enseigner dans des conditions de plus en plus difficiles (infrastructures endommagées, classes en sureffectif…). Ils doivent aussi pouvoir adapter les méthodes pédagogiques aux apprenants habitués à des systèmes éducatifs utilisant d’autres programmes et d’autres langues. Comme les enseignants sont touchés par les crises de diverses manières, ils doivent également recevoir un accompagnement psychosocial, matériel et financier adéquat afin de pouvoir soutenir les apprenants. 

Soutenir les systèmes éducatifs afin d’élaborer des politiques enseignantes adaptées aux crises

Si nous voulons que les enseignants puissent assumer un rôle essentiel de soutien et de protection afin de garantir une éducation inclusive et de qualité, et de promouvoir la cohésion sociale et la résilience, il est essentiel de tenir compte des situations d’urgence et de crise lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques enseignantes nationales. Cela implique d’anticiper et de relever les défis du recrutement, du déploiement, de la rétention et de la formation des enseignants, tout en veillant à leur bien-être, à la sécurité de leur emploi et à ce qu’ils disposent de conditions de travail sûres, dans un environnement favorable.

En 2021, les organisateurs de l’Initiative norvégienne sur les enseignants ont rejoint l’Équipe spéciale sur les enseignants et l’Institut international de planification de l’éducation de l’UNESCO. Ensemble, ils ont mis au point un nouveau module qui reconnaît le rôle important joué par les enseignants dans la préparation et la réponse à ces situations et vise à éclairer l’élaboration et la mise en œuvre de politiques enseignantes nationales adaptées aux situations d’urgence et de crise.

Ce nouveau module complète le Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante de 2019. Il souligne la nécessité de mettre en place des politiques enseignantes adaptées aux crises pour accroître la résilience des systèmes éducatifs en veillant à ce que les acteurs de l’éducation soient mesure de se préparer et de répondre aux crises. Il aborde les différentes dimensions de la politique enseignante et propose de nouvelles mesures visant à soutenir les enseignants dans leur travail de prévention, d'atténuation et de rétablissement après des conflits et des catastrophes. Le module comprend aussi des exemples nationaux de politiques et de pratiques efficaces en matière de gestion des enseignants dans des situations de crise.

Les politiques enseignantes qui prennent en compte les effets des crises dans la profession peuvent motiver le personnel et encourager un travail de qualité. Ces politiques sont essentielles non seulement pour soutenir et protéger les enseignants, mais aussi pour les préparer à offrir aux enfants vulnérables des espaces d’apprentissage sûrs et une éducation de qualité, protégeant ainsi ce droit fondamental universel.

Le nouveau module sur l’élaboration de politiques enseignantes adaptées aux crises peut être téléchargé sur le site Web de lÉquipe spéciale sur les enseignants.

À propos du Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante

Le Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante est conçu comme un outil dynamique, destiné à relever les défis émergents en matière de politique relative aux enseignants. Il repose sur l’idée selon laquelle il est nécessaire d’adopter une politique enseignante globale afin d’améliorer la quantité et la qualité des enseignants. Pour permettre une éducation inclusive et de qualité, ces politiques doivent être exhaustives et intégrer différents aspects interdépendants relatifs à la profession, notamment le recrutement et la rétention, la formation, le déploiement, le parcours professionnel, les conditions de travail, la gratification et la rémunération des enseignants, ainsi que les normes d’exercice de la profession enseignante, la responsabilité pédagogique et la gouvernance scolaire. En outre, elles doivent être bien planifiées, dotées de ressources et alignées sur d’autres politiques, éducatives et non éducatives, pour garantir une mise en œuvre efficace.

Crédit photo : Sacha Myers, Save the Children

Blog
  • 24.01.2022

Les enseignants innovent pour transformer l'éducation

À l'occasion de la Journée internationale de l'éducation 2022, Linda Darling-Hammond* revient sur les défis et les opportunités auxquels sont confrontés les enseignants en raison de la pandémie.

Les systèmes éducatifs actuels sont trop souvent hérités de structures et procédures nées à l'époque industrielle, qui n'ont pas évolué de manière à répondre aux besoins pédagogiques du XXIe siècle. Cela étant, les perturbations entraînées par la pandémie donnent de nombreuses occasions de réinventer l'éducation en permettant aux enseignants d'endosser de nouvelles fonctions et de repenser les établissements scolaires. La pandémie de COVID-19 a également mis en évidence l'urgence de tirer parti des innovations qui ont émergé pour créer des approches axées sur l'enfant et ainsi, donner naissance aux systèmes éducatifs du XXIe siècle.

Dans de nombreux pays, l'école est réinventée sous la direction des enseignants. Au cours de la pandémie, ceux-ci ont uni leurs forces pour innover et se soutenir mutuellement durant les fermetures d'établissement, en s'entraidant pour utiliser de nouvelles technologies comme des plateformes virtuelles, choisir des ressources et mettre au point des pédagogies innovantes, comme des méthodes propices à un apprentissage indépendant et résilient. De nouvelles approches éducatives font leur apparition dans l'enseignement en lui-même, mais aussi dans la formation et le développement professionnel des enseignants et dans la conception des établissements scolaires.

Pendant la crise, ce sont les enseignants qui, partout dans le monde, ont dirigé les efforts visant à mettre les élèves et leurs familles en contact avec les écoles par voie numérique (et par d'autres moyens), en garantissant l'accès, en échangeant avec d’autres enseignants et les parents et en créant des partenariats. Nombreux sont les enseignants à avoir fait preuve d'ingéniosité : ils ont dirigé la conception des contenus, favorisé le renforcement des capacités en montrant l'exemple, endossé des rôles de mentors et rapidement adopté et catalysé le changement au sein de leur établissement. 

Selon Ashok Pandy, « la redéfinition du leadership enseignant traduit une mutation des rôles traditionnellement assignés aux différents postes, comme les coordinateurs, les directeurs d'universités, les proviseurs ou les directeurs adjoints, qui attribuent le pouvoir et l'autorité au détenteur de la fonction. Le leadership enseignant est désormais déterminé par le rôle proactif joué par les enseignants, les initiatives que ceux-ci mettent en œuvre et le soutien qu'ils apportent aux élèves, aux parents et à la direction de leur établissement. »

Les pays sont incités à favoriser le développement professionnel des enseignants et à leur donner les moyens de partager leurs innovations pour l'avenir de l'éducation, avec à la clé une accélération du changement nécessaire pour reconstruire de meilleurs systèmes éducatifs.


Apprentissage et développement : une approche éducative axée sur l'enfant dans sa globalité

La pandémie a également permis de mettre en avant des découvertes dans les sciences de l'apprentissage et du développement de l'enfant, notamment l'influence des relations humaines et de l'environnement sur le développement du cerveau et l'apprentissage.  Ces recherches soulignent qu'il est nécessaire d'adopter une approche axée sur l'enfant dans sa globalité : celle-ci doit prendre en considération le développement académique, social et émotionnel de chaque élève d'une manière centrée sur l'apprenant tout en restant pertinente pour son milieu.

Cette approche permet aux élèves de s'épanouir, comme l'ont démontré des écoles innovantes aux États-Unis. De New York à Los Angeles, des éducateurs créent des modèles d'établissements scolaires personnalisés qui réinventent le modèle d'usine dont nous avons hérité, qui produit de grandes écoles anonymes aux taux d'abandon élevés. Ces établissements, gérés démocratiquement et organisés autour d'équipes d'enseignement et de systèmes de conseil, permettent aux enseignants de mettre en place, en équipe, des programmes interdisciplinaires axés sur les projets destinés à un groupe commun d'élèves tout en les soutenant à la fois sur le plan émotionnel et académique.  

De nombreux établissements qui pratiquent le leadership des enseignants sont des écoles communautaires qui participent à rendre l'éducation plus pertinente pour la vie des élèves à travers un programme ancré dans une éducation empirique et en phase avec les préoccupations de la collectivité. Ces établissements nouent des partenariats solides tant avec les familles qu'avec des organisations locales qui proposent des activités périscolaires et un vaste éventail de services de santé et sociaux.  À mesure que les écoles renforcent leur capacité afin de répondre au mieux aux besoins de leurs élèves, ces derniers, en particulier ceux issus de milieux défavorisés, obtiennent de meilleurs résultats scolaires, obtiennent un meilleur taux de réussite à l'examen de fin de secondaire et sont plus nombreux à accéder à l'enseignement supérieur.

Le leadership enseignant : réinventer l'enseignement pour en faire une profession innovante et collaborative

Le renforcement de cette capacité consiste essentiellement à mettre en place des environnements propices à la collaboration, au leadership et à la prise de décision chez les enseignants tout en impliquant ces derniers dans toutes les étapes, autant d'éléments fondamentaux dans la conception de l'établissement. Dans les pays ayant participé à l'édition 2018 de l'Enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS), les enseignants qui signalent avoir la possibilité de participer aux prises de décision au niveau de l'établissement présentent un degré de satisfaction plus élevé et sont plus susceptibles de percevoir l'enseignement comme une profession valorisée dans leur pays. Toutefois, seuls 42 % des chefs d'établissement indiquent que leurs enseignants ont des responsabilités importantes sur de nombreuses tâches liées aux politiques scolaires, aux programmes et à l'instruction, tandis que seulement 56 % d'entre eux déclarent que des enseignants jouent un rôle dans l'équipe de direction de l'établissement.

Les environnements de travail professionnels et collaboratifs se sont avérés vitaux pour améliorer l'efficacité collective des enseignants ; selon certaines études, il s'agirait de l'un des facteurs les plus déterminants pour la réussite des élèves. Les données de l'enquête TALIS montrent qu'à travers le monde, les possibilités de collaboration entre enseignants sont étroitement associées à leur sentiment d'efficacité et d'efficience. Ces opportunités sont également corrélées à la façon dont les enseignants souhaitent et peuvent mettre en œuvre des pratiques innovantes telles que l'apprentissage axé sur les projets, l'utilisation de nouvelles technologies et l'acquisition des compétences supérieures nécessaires dans le cadre des économies et des sociétés du XXIe siècle.

Préparer la prochaine génération d'enseignants à accompagner l'apprentissage des élèves

De plus en plus de recherches ont établi que le développement professionnel efficace, qui permet d'améliorer les résultats des élèves, est intensif, collaboratif, intégré au travail et axé sur la salle de classe. Dans l'enquête TALIS, si les trois quarts des enseignants à l'échelle mondiale affirment que les formes collaboratives de développement professionnel ont une influence positive sur leurs méthodes d'enseignement, seuls 44 % indiquent participer à un apprentissage professionnel de ce type.

Les systèmes éducatifs performants accordent la priorité au temps et aux autres ressources dont disposent les enseignants pour collaborer, partager leurs connaissances et leurs méthodes et prendre part aux mécanismes de prise de décision collectifs ce qui, en retour, favorise l'innovation, construit un socle de connaissances commun et améliore l'efficacité individuelle et collective de leur enseignement. Pour cela, il est impératif de repenser la formation, les conditions de travail, l'apprentissage professionnel, les parcours, la rémunération et les systèmes d'évaluation des enseignants, ainsi que la façon dont nous investissons en ce sens.

Préparer la prochaine génération d'enseignants en mettant à leur disposition ce que nos systèmes ont de meilleur à offrir en termes de connaissances et de soutien constitue en définitive, l'approche la plus efficace pour favoriser l'apprentissage des élèves et contribuer directement à transformer l'éducation. Ceci s'avère  particulièrement vrai lorsque ces enseignants adoptent des stratégies et pédagogies axées sur l'enfant dans sa globalité. Afin que les enseignants puissent innover et que les résultats puissent être déployés à grande échelle selon un paradigme axé sur l'enfant dans sa globalité, les systèmes éducatifs doivent les écouter et mettre à leur disposition les outils dont ils ont besoin, notamment des formations efficaces et des soutiens sous différentes formes, et ce en intégrant les dimensions familiales, communautaires et sociétales aux programmes, à la pédagogie et à la conception des établissements. Les systèmes ont également tout à gagner à laisser aux enseignants la latitude d'innover et d'occuper des postes de direction dans les écoles axées sur la collaboration, mais aussi d'échanger leurs innovations et leurs connaissances avec d'autres établissements et collectivités. Ce n'est qu'en nous appuyant sur la créativité et les capacités des enseignants, et en les favorisant, que nous serons en mesure de concevoir des écoles pour le XXIe siècle, qui répondent véritablement aux besoins des élèves et de la société.

 


*Linda Darling Hammond est la professeure émérite d'éducation Charles E. Ducommun à l'université de Stanford et présidente fondatrice du Learning Policy Institute. Sa présentation est accessible dans son intégralité à l'adresse suivante : Voir à 36'21.  

References

Pandey, A. K. (2021). Teacher leadership during COVID-19. Teacher India, 15(1): 10-12. https://research.acer.edu.au/teacher_india/39/

OECD (2020), TALIS 2018 Results (Volume II): Teachers and School Leaders as Valued Professionals, TALIS, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/19cf08df-en

OECD Education and Skills Today. (2020, January 22). Reflections on the Forum for World Education. OECD Education and Skills Today. Consulté le 8 Janvier 2022  à la page suivante (en anglais) https://oecdedutoday.com/reflections-forum-for-world-education/

 

Blog
  • 16.12.2021

Comment l’apprentissage par le jeu a aidé les enseignants à favoriser le bien-être des enfants lors de la réouverture des écoles

Lorsque les enfants ont repris l’école après les fermetures liées à la pandémie, de nombreux enseignants ont constaté que le jeu les aidait à retrouver une routine d’apprentissage. Leurs expériences s’ajoutent aux preuves croissantes fournies par la recherche sur la façon dont l’apprentissage par le jeu peut aider à développer des compétences telles que la créativité et la collaboration.

Des enseignants et des experts ont partagé leurs points de vue lors d’une session du 13ème Forum de dialogue politique sur l’innovation organisé par l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030, à Kigali (Rwanda), au début du mois de décembre 2021. Regardez la session en replay ici.

Qu’est-ce que l’apprentissage par le jeu ?

Ruth Mbabazi, du programme Let’s Learn through Play (apprenons par le jeu) de Voluntary Service Overseas, explique : « Le jeu est joyeux : les enfants s’expriment avec plaisir en jouant. Le jeu est socialement interactif : les enfants communiquent, nouent des relations et collaborent. Le jeu est itératif : les enfants évaluent et ré-évaluent leurs connaissances, en explorant différentes notions. »

« Il est prouvé que ces caractéristiques aident les enfants à apprendre mieux et de manière plus approfondie, ajoute Lieve Leroy de l’Association flamande pour la coopération au développement et l’assistance technique (VVOB). L’apprentissage ne se limite pas à l’acquisition de connaissances et de compétences académiques, mais doit favoriser la progression de l’enfant dans plusieurs domaines, tels que les compétences émotionnelles, sociales et physiques. Le jeu facilite ce développement holistique. »

Pendant les confinements, de nombreux enfants ont perdu l’occasion de jouer. Au cours de la session, les enseignants ont expliqué comment l’apprentissage par le jeu avait largement contribué à rétablir leur bien-être mental, en leur permettant d’exprimer à nouveau leur imagination et leur curiosité, et en leur apprenant à faire preuve de persévérance et à résoudre les conflits.

Comme le dit l’enseignant Eric Ndayishimiye : « Les approches basées sur le jeu ont créé un espace de collaboration. Elles ont contribué à encourager l’autorégulation en incitant les élèves à contrôler leur comportement, leurs émotions et leurs pensées en vue d’objectifs à long terme. »

Toutefois, si les parents comprennent instinctivement la valeur de l’apprentissage par le jeu pour les très jeunes enfants, ils ne comprennent pas toujours que cela s’applique à tous les niveaux d’enseignement. Il est courant que les parents soutiennent le jeu en maternelle, mais s’opposent aux tentatives des enseignants de l’instituer au primaire et au-delà. 

Faire participer les parents

Lorsque les écoles étaient fermées, les jeux avec les parents permettaient aux enfants de continuer à apprendre à la maison. Comme l’a expliqué Hugh Delaney de UNICEF Rwanda : « La réouverture des écoles nous offre l’opportunité de renforcer les interactions avec les parents grâce à une vision commune de l’apprentissage par le jeu. C’est également l’occasion d’impliquer davantage les parents dans l’éducation de leurs enfants. » 

Cette approche prépare également les enfants aux bouleversements futurs. En jouant avec les enfants, les parents les aident à acquérir un large éventail de compétences comme la planification, le contrôle et la maîtrise de soi, la gestion du temps et l’autorégulation. Tous ces éléments contribuent à la résilience de l’enfant, ce qui lui permet d’être moins perturbé par les crises.

Il est essentiel de trouver le bon moyen d’atteindre les parents. Lieve Leroy a fait part de l’expérience de VVOB, qui a travaillé avec l’Union des femmes vietnamiennes pour que les communautés aident les enseignants à introduire un enseignement plus ludique en classe.

Les enseignants ont également besoin du soutien d’un environnement politique plus large, du niveau local au niveau national, de l’élaboration des programmes à la formation des enseignants, en passant par la budgétisation, l’inspection et l’évaluation. Il faut pour cela changer d’état d’esprit, en abandonnant l’idée traditionnelle selon laquelle les enseignants sont les maîtres du savoir et les considérer plutôt comme des facilitateurs de l’apprentissage. Cela implique que tous les protagonistes considèrent les enfants comme des acteurs compétents de leur éducation, plutôt que comme des vases vides à remplir.

Les enseignants présents à la session ont souligné l’importance de relier de manière explicite une vision commune du développement de l’enfant au système éducatif et au programme scolaire. L’importance de soutenir des processus participatifs visant à élaborer des outils d’apprentissage par le jeu qui reflètent les expériences locales et le patrimoine culturel a également été soulignée.

Enseigner la technique 

Les principales questions qui se posent sont les suivantes : faut-il rendre l’apprentissage par le jeu facultatif ou obligatoire ? Quelle formation continue est nécessaire ? Comment évaluer les compétences des enfants de manière plus large que la lecture, l’écriture et le calcul ?

Comme le précise Lieve Leroy : « Les enseignants ont besoin d’un environnement où ils peuvent faire des erreurs, où ils peuvent tenter des choses et se sentir en sécurité pour le faire. L’inspection et l’évaluation doivent être alignées sur cette approche. »

Les participants à la session ont discuté du rôle des innovations technologiques et sont parvenus à un constat commun : elles peuvent se révéler utiles pour améliorer l’apprentissage par le jeu. Les animations, les outils multimédias et la ludification peuvent donner vie à certaines notions et permettre aux enfants d’apprendre de manière volontaire et inconsciente.

Clement Kabiligi, de la Fondation Imbuto, a remarqué que les applications bien conçues donnent aux enfants les bonnes incitations : « Les applications félicitent les enfants qui obtiennent les bonnes réponses, mais même lorsqu’ils se trompent, ces derniers ne sont pas frustrés, car les applications les motivent de manière créative à réessayer jusqu’à ce que les réponses soient justes. »

Retour aux fondements du jeu

Toutefois, les participants s’accordent également à dire que la technologie n’est pas indispensable à l’apprentissage par le jeu. Pour reprendre les mots d’Emmanuel Murenzi, de l’International Education Exchange : « Il n’est pas nécessaire d’avoir des gadgets. Je joue à cache-cache avec mes enfants... Nous aidons les parents à comprendre qu’il faut revenir à l’essentiel : les jeux, les chansons, le sport, tout ça. »

Les participants à la session ont identifié les compétences dont les enseignants ont besoin pour mettre en œuvre l’apprentissage par le jeu. Clement Kabiligi a mentionné l’importance d’être drôle, car « si l’on ne s’amuse pas, l’apprentissage par le jeu ressemble à une simple liste de choses à faire, ce qui ne le rend pas très engageant ». David Rugaaju, de Right to Play, a donné plusieurs exemples, tels que « la capacité à créer un environnement ludique » et « permettre à l’enfant d’être acteur de son processus d’apprentissage ».

Pour acquérir ces compétences, les enseignants doivent bénéficier d’un soutien efficace et d’un environnement favorable, ce qui signifie que tout le monde autour d’eux (des acteurs institutionnels aux parents dans les communautés) doit être sensibilisé à l’importance de l’apprentissage par le jeu.

Crédit photo : Save the Children

 

Document de réunion
  • pdf
  • 15.11.2021
  • EN  |  ES  |  AR

13ème Forum de dialogue politique - Programme

Le 13ème Forum international de dialogue politique aura lieu du 1er au 3 décembre 2021, à Kigali (Rwanda) et en ligne. Organisé cette année par le Secrétariat de la TTF et le ministère de l’Éducation...
Blog
  • 11.11.2021

L’avenir de l’enseignement – Repenser le rôle des enseignants dans la réforme de l’éducation

Inés Dussel* est contributrice du rapport phare de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) intitulé « Repenser nos futurs ensemble : un nouveau contrat social pour l’éducation » et qui a été publié hier, et auteure d’un document de référence pour l’Équipe spéciale sur les enseignants intitulé « L’avenir de l’enseignement ».

L’année 2021 marque un tournant décisif pour l’humanité. Face à des défis d’une grande ampleur, notamment la crise climatique, la révolution technologique, l’instabilité démocratique, l’automatisation du travail et les déplacements massifs de populations, il est urgent de créer un avenir résolument différent de notre passé. Les enseignants jouent un rôle clé dans cet effort indispensable.

Lancée par l’UNESCO en novembre 2019, l’initiative « Les futurs de l’éducation » propose d’introduire un nouveau contrat social, dans lequel l’éducation est considérée comme un bien public et commun qui nourrit l’espoir, l’imagination et l’action dont nous avons besoin pour bâtir un avenir commun. Cette initiative vise à engager une réflexion et une action afin que l’humanité puisse relever les défis colossaux auxquels elle est confrontée en matière d’éducation.

La pandémie de COVID-19 a renforcé le besoin de réforme dans le secteur de l’éducation. La fermeture des écoles et la mise en place chaotique de l’enseignement à distance ont certes révélé des inégalités persistantes sur le plan des ressources, des infrastructures et des résultats, mais elles ont également mis en lumière le rôle primordial des enseignants dans l’apprentissage des élèves et dans leur bien-être en général.

Comme l’a illustré la pandémie, le débat sur l’avenir de l’enseignement a tendance à s’orienter sur le changement technologique, mais l’enseignement ne doit pas se résumer à une transformation numérique. L’enseignement exige des connaissances, un savoir-faire, de l’attention et de la sensibilité. Les enseignants jouent sont au cœur de la mission de l’éducation qui consiste à favoriser l’autonomie intellectuelle et affective des élèves et à diffuser et transmettre des connaissances à tous.

Le nouveau contrat social doit donc être centré sur les enseignants. Il doit pour cela tenir compte des paradoxes et des difficultés qu’ils rencontrent en tant qu’agents spécialisés. L’enseignement ne se limite pas à un effort individuel, dépendant uniquement des forces ou des faiblesses personnelles ; il s’agit d’une pratique qui reflète fortement les réalités locales et qui est définie et réglementée par les institutions. Ces règles et définitions ne sont cependant pas cohérentes : les réalités éducatives actuelles imposent des exigences contradictoires aux enseignants, susceptibles d’avoir une incidence sur l’avenir de l’enseignement. Ainsi, le débat sur l’avenir de l’enseignement doit éviter les idéaux volontaristes et devrait plutôt se concentrer sur les conditions de travail concrètes, les réseaux de soutien institutionnel, les exigences pédagogiques et les compétences et connaissances requises.

Le conflit entre des exigences contradictoires ne peut pas être résolu par des enseignants agissant individuellement, ni simplement en améliorant les stratégies d’enseignement ou en favorisant l’inclusion numérique. Au contraire, elle doit être prise en charge à l’échelle institutionnelle, par la mise en place de politiques publiques visant à préserver et favoriser un avenir commun.

Le document de référence « L’avenir de l’enseignement » aborde certains des paradoxes et exigences contradictoires auxquels les enseignants sont confrontés :

  • Un appui insuffisant est accordé aux politiques en faveur de l’éducation inclusive, reposant excessivement sur l’action et la responsabilité individuelles des enseignants.
  • Une interaction accrue avec les communautés et les familles peut se traduire par des priorités différentes, voire opposées.
  • Les nouveaux idéaux éducatifs, tels que les méthodes pédagogiques centrées sur l’élève, ne peuvent pas toujours être mis en pratique dans les conditions de travail actuelles.
  • La réglementation toujours plus complexe et l’introduction de nouveaux principes pédagogiques risquent d’alourdir les exigences en matière de performance à l’égard des enseignants.
  • La transformation numérique ouvre de nouvelles possibilités, mais comporte également de nouveaux risques, tels que la la délégation et la réduction massives des connaissances au sein de gigantesques plateformes de gestion de données.
  • La crise écologique nous intime de prendre collectivement conscience de l’état de notre planète et d’activement préserver la diversité de la vie sur Terre, mais les politiques s’emploient à maintenir le statu quo.
  • Dans l’analyse de ces tensions et exigences, les aspects de l’activité des enseignants qui sont liés au genre doivent être pris en compte, car ils ont une incidence sur l’organisation du temps de travail et la répartition des tâches.

Il n’est pas surprenant que de nombreux pays soient confrontés à une pénurie croissante d’enseignants, tandis que dans d’autres, les enseignants connaissent un sentiment grandissant d’épuisement et de désenchantement vis-à-vis de la profession. Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a souligné l’importance du travail des enseignants et la nécessité d’un encadrement expert pour soutenir l’apprentissage et le bien-être des élèves.

Comment donc renforcer le rôle central des enseignants dans la réforme de l’éducation ? Voici quelques recommandations à l’intention des décideurs politiques et des parties prenantes à mettre en œuvre de toute urgence afin d’aider les enseignants à devenir une véritable force motrice de la réforme de l’éducation :

  1. Il convient de favoriser un dialogue social transparent afin d’élaborer des programmes de coopération pour répondre aux questions complexes dont dépend l’avenir de l’enseignement.
  2. Les conditions de travail des enseignants doivent être améliorées, non seulement sur le plan de la rémunération, mais également en limitant les effectifs des classes, en veillant à la sécurité des établissements et en accordant aux enseignants une reconnaissance symbolique, une légitimité et un appui institutionnel.
  3. Il est essentiel de mettre en place, au moyen de politiques publiques et de mesures institutionnelles cohérentes, des réseaux collectifs chargés d’apporter des réponses aux questions de pédagogie complexes.
  4. Un meilleur équilibre entre les besoins d’ordre administratif et pédagogique doit être trouvé, notamment en tenant compte des activités menées à titre bénévole en dehors de l’établissement scolaire, par exemple les activités de proximité auprès des communautés.
  5. Le statut professionnel des enseignants et leur charge de travail doivent être examinés minutieusement, en tenant compte de la dimension de genre, afin de garantir la conformité avec les nouveaux objectifs fixés en matière d’éducation et de diversifier la profession.
  6. Le parcours professionnel des enseignants doit être conçu en tenant compte des compétences, de la formation et de la participation aux programmes organisés par les établissements scolaires, tels que le mentorat des enseignants débutants, la direction d’une matière ou d’un cycle d’enseignement et l’organisation des services pédagogiques.
  7. Afin de favoriser le recrutement, les politiques doivent cibler les enseignants débutants en leur offrant la possibilité de suivre un programme d’initiation animé par des collègues plus expérimentés. Les politiques doivent également apporter une aide aux enseignants en milieu de carrière qui connaissent une perte d’illusion dans leur travail.
  8. La formation des enseignants doit être repensée afin de relever les défis mis en évidence par l’initiative « Les futurs de l’éducation » de l’UNESCO. Les programmes d’études doivent inclure de nouveaux sujets et réalités toujours plus importants, par exemple l’environnement et l’engagement militant en faveur de l’écologie, l’éducation à la démocratie et à l’éthique, l’égalité des genres et la diversité, les compétences numériques essentielles, ainsi que le dialogue épistémique et intergénérationnel sur notre avenir commun. Les méthodes employées doivent intégrer des approches pédagogiques et appréhender au plus près le contexte local dans lequel ces pratiques seront mises en œuvre.
  9. La formation des enseignants ne peut plus sous-estimer l’importance de la culture numérique ; sans minimiser le rôle de l’enseignant, les médias numériques doivent être inclus non seulement comme un moyen de formation à distance, mais également comme un sujet d’étude.

Enfin, les efforts déployés pour imaginer l’avenir de l’enseignement doivent permettre d’ouvrir un débat sur les attentes et les réalités qui entourent l’enseignement, ce qui inclut non seulement les inquiétudes et les craintes des enseignants, mais également les motifs d’espoir et de changement. L’avenir de l’enseignement doit faire l’objet d’un large dialogue social renforçant le rôle et l’engagement des enseignants dans la réforme de l’éducation et dans la création d’un avenir meilleur pour tous.


*Inés Dussel est professeur et chercheuse au sein du service de recherche pédagogique du Centro de Investigación y de Estudios Avanzados (CINVESTAV) de Mexico.

Les appellations employées dans cet article et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO ou de l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030 aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les idées et les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs ; elles ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l’UNESCO et n’engagent en aucune façon l’Organisation.