Aller au contenu principal
Blog
  • 17.06.2024

#TeachersMissing : la crise mondiale des enseignants a un impact sur notre avenir collectif

Le réseau de l’Équipe spéciale sur les enseignants a lancé sa campagne de plaidoyer #TeachersMissing lors de l’événement de bilan du Sommet sur la transformation de l’éducation (TES) organisé par le Comité directeur de haut niveau sur l’ODD 4, le 17 juin 2024 au siège de l’UNESCO. Pour savoir comment soutenir la campagne, cliquez ici.

Il y a une grave pénurie d’enseignants au niveau mondial, avec un besoin urgent de 44 millions d’enseignants supplémentaires d’ici 2030. Pour y remédier, les pays doivent travailler ensemble pour investir dans l’éducation et donner aux enseignants les moyens d’agir. L’avenir de l’ensemble des apprenants et des sociétés en dépend.

Des enseignants dévoués sont au cœur d’une éducation de qualité pour chaque apprenant. Mais les systèmes éducatifs du monde entier sont en crise, car les pénuries d’enseignants ne cessent de s’aggraver. Chaque année, des millions d’enseignants démissionnent et l’attrait de la profession ne cesse de diminuer.

Le nouveau Rapport mondial sur les enseignantspublié par l’Équipe spéciale sur les enseignants et l’UNESCO, souligne que 44 millions d’enseignants supplémentaires seront nécessaires d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de développement durable 4, qui consiste à assurer l’éducation primaire et secondaire pour tous.

Ces pénuries d’enseignants généralisées nuisent à la qualité de l’éducation dans tous les pays et régions du monde, quel que soit leur niveau de développement économique ou humain.

Selon le rapport, les taux d’attrition mondiaux parmi les enseignants du primaire ont presque doublé, passant de 4,6 % en 2015 à 9 % en 2022. Toutefois, la majorité des pénuries d’enseignants (environ 70 %) concerne les écoles secondaires, et plus de la moitié d’entre elles doivent remplacer les enseignants qui quittent la profession.

Les qualifications des enseignants sont une autre question clé que les gouvernements et les acteurs de l’éducation doivent aborder. Au niveau mondial, 86 % des enseignants du primaire possèdent les qualifications nécessaires selon les normes nationales d’enseignement. Toutefois, en Afrique subsaharienne, cet indicateur tombe à 69 % seulement.

Dans des régions telles que l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que dans les petits États insulaires en développement (PEID), moins de 75 % des enseignants du niveau pré-primaire sont correctement qualifiés.

Le nombre d’élèves par enseignant qualifié s’est généralement amélioré dans le monde entier, mais les pays à faible revenu restent confrontés à un défi de taille.

En 2022, les pays à revenu élevé comptaient en moyenne 15 élèves par enseignant qualifié dans l’enseignement primaire, tandis que dans les pays à faible revenu, le ratio est presque trois fois plus élevé, avec 52 élèves par enseignant qualifié. Ce chiffre est également nettement supérieur au ratio élèves/enseignant recommandé par l’UNESCO dans l’enseignement primaire (40:1).

Investir dans les enseignants est plus qu’une simple priorité, c’est un impératif urgent. Sans cet investissement, la prochaine génération d’apprenants ne comptera pas suffisamment d’enseignants dans les salles de classe. 

#TeachersMissing : Où sont-ils passés ? 

Si aucune mesure n’est prise d’urgence, seuls quatre pays sur dix auront suffisamment d’enseignants pour assurer l’enseignement primaire universel d’ici à 2030. Cette proportion tombe à moins d’un pays sur cinq pour l’enseignement secondaire.

Plusieurs facteurs influencent les démissions d’enseignants. Ils sont confrontés à de multiples défis, notamment le manque de développement professionnel, les mauvaises conditions de travail, la lourdeur de la charge de travail et les bas salaires. Le manque général de respect et de reconnaissance de leur contribution essentielle à la société joue également.

Cette situation a eu un impact sur la santé mentale et le bien-être général des enseignants, qui se sentent dépassés et abandonnés. Elle a également dissuadé de nombreux candidats potentiels de rejoindre la profession. 

La pénurie de professionnels de l’enseignement et la baisse du nombre de nouveaux enseignants ont de graves conséquences sur l’éducation et le bien-être des apprenants. La répartition inégale des enseignants qualifiés perpétue également les inégalités en matière d’éducation, en particulier dans les pays en développement. 
 

Comment prévenir d’autres démissions et rendre l’enseignement plus attrayant ?

Dans un récent discours, António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré, « Les enseignants jouent un rôle essentiel dans le développement de la plus grande ressource de chaque pays : l’esprit de ses habitants. Pourtant, nous sommes aujourd’hui confrontés à une pénurie dramatique d’enseignants dans le monde entier, et des millions d’enseignants ne bénéficient pas du soutien, des compétences et de la formation continue dont ils ont besoin pour répondre aux exigences de systèmes éducatifs en évolution rapide ».

Le Groupe de haut niveau du Secrétaire général sur la profession enseignante a publié plusieurs recommandations pour transformer la profession enseignante et répondre à la crise de la pénurie d’enseignants, soulignant la nécessité de valoriser et de respecter la profession en garantissant « des conditions de travail décentes, des salaires compétitifs, la prise en compte de la voix des enseignants dans les politiques et la prise de décision, ainsi que des possibilités de développement et d’innovation ».

Ces recommandations sont reprises dans le Rapport mondial sur les enseignantsqui recense plusieurs exemples encourageants de pays qui ont commencé à changer les choses :

  • Le Kazakhstan a doublé les salaires des enseignants entre 2020 et 2023 après qu’une enquête a montré que les enseignants se sentaient surchargés de travail et sous-payés, ce qui a permis d’augmenter le soutien de l’État. Les enseignants se sentent désormais davantage soutenus par l’État.
  • En République de Corée, les nouveaux enseignants sont associés à des collègues plus expérimentés afin d’aligner l’apprentissage professionnel et d’échanger des idées. Les résultats sont prometteurs. 
  • Le Mexique a accordé des postes permanents à environ 800 000 enseignants contractuels qui y avaient droit après six mois de service.
  • En Chine, des facteurs tels que l’adéquation de la personnalité, l’intérêt pour une matière, la possibilité d’un développement professionnel continu (DPC) et le désir d’aider les autres motivent les élèves à poursuivre une carrière dans l’enseignement.
  • Le Népal encourage les personnes handicapées à entrer dans la profession d’enseignant, et près de 40 % des malvoyants titulaires d’un diplôme universitaire enseignent dans des écoles ordinaires.
  • L’Allemagne a investi dans une campagne de recrutement pour attirer les hommes vers les postes d’enseignants de la petite enfance, faisant plus que doubler leur nombre en 12 ans.
  • L’Égypte s’est engagée à nommer 150 000 nouveaux enseignants pour remédier aux pénuries.
  • Le Chili a réduit le temps d’enseignement de 75 % à 65 % afin de permettre aux enseignants de consacrer plus de temps à des activités telles que le développement professionnel.

Additionner les coûts, agir

Selon le rapport de l’UNESCO, de l’OCDE et du Commonwealth, le rapport sur le Prix de l’inactionles enfants qui quittent l’école prématurément ont un impact majeur sur le bien-être des sociétés et des économies. Toutefois, si les gouvernements veillaient à ce que chaque enfant reste à l’école et acquière des compétences de base, le PIB mondial pourrait augmenter de plus de 6 500 milliards de dollars É.-U. par an.

L’une des clés pour s’assurer que les enfants restent à l’école et apprennent est de recruter des enseignants qualifiés, motivés et diversifiés qui s’intéressent à tous les élèves de la même manière et qui peuvent libérer leur potentiel.

Cela met en évidence la nécessité pour les gouvernements de soutenir les enseignants par le biais de meilleures politiques et d’un financement plus important. Selon le rapport mondial sur les enseignants, l’investissement annuel nécessaire pour couvrir les nouveaux postes d’enseignants du primaire et du secondaire d’ici à 2030 est estimé à 120 milliards de dollars É.-U. Une part importante de cette somme (39 milliards de dollars É.-U.) doit être dirigée vers l’Asie et l’Afrique subsaharienne.

Pouvons-nous nous permettre de ne PAS agir ?

À seulement six ans de l’échéance des objectifs de développement durable 2030, nous sommes toujours confrontés à de nombreux défis pour réaliser l’éducation pour tous.  Il est urgent d’intensifier nos efforts !

Dans le cadre de sa campagne de plaidoyer 2024 #TeachersMissing, l’Équipe spéciale sur les enseignants vise à encourager les gouvernements, les organisations et les autres acteurs de l’éducation à renforcer le soutien aux enseignants. La campagne préconise d’améliorer l’attractivité de la profession enseignante afin de garantir à chaque apprenant l’accès à un enseignant qualifié et motivé.

Le monde doit reconnaître que les enseignants sont la clé de voûte d’une éducation de qualité et qu’ils jouent un rôle essentiel dans la construction d’un avenir plus durable, plus résilient et plus prospère pour tous. Consultez la page de la campagne de plaidoyer #TeachersMissing pour savoir comment vous joindre à cet appel urgent.


Ressources :

Blog
  • 09.09.2023

Pour remédier à la pénurie d’enseignants dans les situations de crise, nous devons protéger les enseignants contre les attaques

Chris Henderson, Institut de hautes études internationales et du développement (Genève, Suisse) et NORRAG


Dans les situations de crise et d’urgence, des enseignants sont régulièrement pris pour cible dans l’exercice de leurs tâches essentielles. Pour bon nombre d’entre eux, cela nuit à leur résilience, à leur bien-être et à leur sentiment d’utilité.

Malheureusement, bien trop d’enseignants sont encore en danger, et ce dans toutes les régions du monde. Selon les estimations du Ministère ukrainien de l’éducation et des sciences, plus de 3 500 établissements d’enseignement en Ukraine ont été détruits ou endommagés par des attentats à la bombe ou des bombardements depuis le 24 février 2022. D’autres rapports font également état d’attaques ciblant les enseignants eux-mêmes (GCPEA, 2023).

Pour assurer un suivi des crises à l’échelle mondiale, l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU) recueille des données concernant le nombre d’attaques sur les élèves, le personnel et les établissements (Indicateur 4.a.3 de l’objectif de développement durable 4). À l’heure actuelle, nous disposons de données sur 101 pays entre 2013 et 2021. La figure 1 montre les cinq pays où les attaques sur les élèves, le personnel et les établissements sont les plus fréquentes. En 2021, c’est au Myanmar que les enseignants ont été le plus exposés, avec 426 attaques. L’État de Palestine a été le théâtre de 371 attaques et il y en a eu 302 en République démocratique du Congo. Plus de 100 attaques ont été dénombrées en Afghanistan, au. Comme l’indique la figure 1, au Myanmar et dans l’État de Palestine le nombre d’attaques augmente rapidement, ce qui signifie qu’au quotidien les enseignants prennent aussi plus de risques.

Nombre d’attaques sur les élèves, le personnel et les établissements, 2013-2021

AttacksGraphFR
Source : Institut de statistique de l’UNESCO, 2023.

Les enseignants sont privés de la sécurité et de la dignité qu’ils méritent

Il arrive que les enseignants soient menacés, enlevés ou tués parce qu’ils représentent l’État ou parce qu’ils appartiennent à des syndicats d’enseignants. Les enseignants sont aussi fréquemment victimes de violences sexuelles pendant ou après les attaques commises dans des écoles par des groupes armés. Dans d’autres situations de conflit, des enseignants sont tués ou blessés par des armes explosives sur le chemin de l’école ou lors d’affrontements entre groupes armés.

Lorsque les écoles et les universités sont utilisées comme camps de base, ces établissements peuvent être ciblés par des attaques aériennes ou au sol menées par des forces d’opposition, ce qui met aussi les enseignants en danger. À travers le monde, les cas d’utilisation d’écoles et d’universités à des fins militaires ont plus que doublé entre 2020 et 2021.

Les enseignants sont des cibles dans de nombreux endroits

Les effets de ces phénomènes sur les enseignants et sur les enfants et adolescents qu’ils instruisent sont profonds. Par exemple, en Colombie, où 83 attaques ont été recensées en 2021 (ISU, 2023), les enseignants indiquent que les menaces et les actes de violence influent sur la qualité de leurs pratiques pédagogiques. Certains enseignants signalent également que la violence leur fait perdre confiance et nuit à l’authenticité de leur engagement auprès des élèves et de leurs familles. D’autres encore reconnaissent qu’ils évitent de traiter certains sujets en raison de la violence que les récits approuvés par l’État peuvent susciter.

Des enseignants qui participent activement aux efforts de consolidation de la paix afin d’éviter l’enrôlement de leurs élèves dans les forces armées ont aussi été pris pour cible par des groupes paramilitaires. Par exemple, dans la communauté d’El Salado en Colombie, les 25 enseignants d’une école ont reçu des messages dans lesquels un groupe paramilitaire menaçait de s’en prendre violemment à eux. Les incidents comme ceux-là ne sont pas isolés.

En Afghanistan, où les talibans sont de retour au pouvoir, de nombreux responsables éducatifs ont été menacés, arrêtés ou tués pour avoir défendu l’éducation des filles. Ailleurs, des extrémistes armés, comme ceux du groupe Boko Haram au Nigéria, s’opposent à l’éducation occidentale et ont menacé, tué ou enlevé des enseignants pour les empêcher de dispenser le programme scolaire national (GCPEA, 2022). Les enseignants affirment que leur moral a été durement touché par les attaques que leurs collègues ont subies, l’insécurité quotidienne rendant l’exercice de leur métier presque impossible.

En Syrie, la Coalition mondiale pour la protection de l'éducation contre les attaques (GCPEA) décrit comment les forces de la résistance ciblent les enseignants et les enrôlent de force. Au Myanmar, les enseignants qui soutiennent le Gouvernement d’unité nationale, mouvement de résistance opposé au gouvernement actuel, ont été pris pour cible. Plus de 40 d’entre eux ont été enlevés et tués rien qu’en 2021.

La violence a un effet négatif sur le recrutement et la rétention des enseignants

Ring et West (2015) soulignent la mesure dans laquelle les traumatismes liés à des conflits violents et à des déplacements forcés nuisent à la capacité des enseignants à exercer les fonctions essentielles de leur métier. En plus des facteurs de stress complexes dans leur vie personnelle, les enseignants doivent gérer des classes surchargées d’enfants et adolescents meurtris par les conflits, qui ont grandement besoin d’un soutien psychosocial et socioémotionnel. Ils sont donc souvent désemparés et surmenés. Cela affaiblit leur sentiment d’auto-efficacité, c’est-à-dire la conviction que leurs actions influent sur les résultats. Or ce facteur est un élément clé de la motivation des enseignants. Pour résumer, la violence et les traumatismes augmentent l’attrition et exacerbent les pénuries d’enseignants dans les pays qui en ont le plus besoin.

En République démocratique du Congo, Wolf et al., (2014) établissent un lien entre le bien-être des enseignants et la qualité du système éducatif. Leur étude empirique, l’une des premières à conceptualiser et mesurer le bien-être des enseignants en situation de crise, applique le concept de « risque cumulé » pour décrire les conditions nocives et les nombreux facteurs de stress qui pèsent sur le travail et le bien-être des enseignants. Elle met en évidence une relation négative et statistiquement significative entre ce risque cumulé et la motivation professionnelle des enseignants. Ainsi, plus les enseignants sont exposés à des risques dans le cadre de leur travail, moins ils ont envie de rester dans le système éducatif.

De même, les conclusions de cette étude démontrent une relation positive et statistiquement significative entre ce risque cumulé et le risque d’épuisement professionnel : l’augmentation de l’exposition au risque est corrélée à une augmentation des cas d’ épuisement professionnel. Ainsi, pour que les enseignants puissent mobiliser toutes leurs capacités, sans mettre en péril leur santé physique et psychologique, leur bien-être et leur protection doivent être au premier plan des politiques de recrutement et de rétention, assorties des financements appropriés.

Nous devons agir maintenant pour renforcer l’attrait de la profession

Ces différentes études, parmi d’autres, rendent compte d’une crise dans la crise. Lorsque les écoles et les enseignants sont vulnérables face aux attaques, et lorsqu'un salaire inadéquat, un soutien psychosocial inexistant et une évolution professionnelle insuffisante s’ajoutent à la violence que les enseignants subissent, l’enseignement est perçu comme un risque en soi. Illustration de ce phénomène, seuls 18 % des enseignants réfugiés dans le camp de Dadaab au Kenya souhaitent encore enseigner dans trois ans, et seuls 4 % des enseignants de la communauté d’accueil affirment la même chose.

L’échec de la protection des enseignants face aux attaques aggrave la pénurie mondiale des enseignants. Cela nuit à l’attractivité de la profession et force un grand nombre d’enseignants à abandonner leur poste Alors qu’approche la Journée mondiale des enseignants[1] célébrée le 5 octobre, notre plaidoyer en faveur d’une éducation de qualité dans les situations de crise doit mettre au premier plan le droit des enseignants à un environnement professionnel sûr et sain, ainsi que le statut et la dignité dont doivent bénéficier tous les membres du corps enseignant.

Liens utiles :

Photo : Nan Maw Maw Kyi. Enseignante. Myanmar. © UNICEF/UN061811/Brown