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Blog
  • 01.06.2022

Nous devons prêter attention aux grèves d’enseignants en Afrique de l’Ouest

par Anna C. Conover, consultante, et Peter Wallet, administrateur de projet, Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030


Les grèves d’enseignants récurrentes qui ont eu lieu dans toute l’Afrique de l’Ouest au cours des six derniers mois, notamment au Ghana, en Guinée, en Mauritanie, au Niger, au Nigéria, au Togo et au Sénégal, témoignent de difficultés importantes en matière de relations de travail et nuisent à la qualité de l’éducation. Les plaintes et les réclamations des enseignants portent notamment sur le non paiement des salaires, des arriérés de salaires et des indemnités ; les mauvaises conditions de travail ; la longueur et la lourdeur des processus de promotion ; le manque de personnel et les classes surchargées ; et les difficultés liées à la certification et à l’absence de reconnaissance professionnelle.

Les causes de cette situation sont multiples. Dans les faits, nombre des pays de la région ont accompli des progrès considérables en matière d’amélioration de l’accès à l’éducation au cours des deux décennies écoulées. Par exemple, le taux de scolarisation net a doublé au Burkina Faso et au Niger, atteignant respectivement 76 % et 59 % en 2020, une tendance observée dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest à des degrés divers.

Cependant, dans la course pour améliorer l’accès, les efforts visant à élever le statut de la profession se sont arrêtés. Les pays de la région ont fait des compromis politiques incluant le recrutement massif d’enseignants contractuels, qui touchent généralement un salaire moins élevé et ne bénéficient pas du même niveau de soutien que leurs homologues fonctionnaires. Les piètres conditions de travail, exacerbées par l’absence de stratégie visant à intégrer les enseignants contractuels dans la fonction publique, font monter les frustrations et ont souvent entraîné des grèves. Plus récemment, l’effet disproportionné de la pandémie de COVID-19 sur les enseignants non fonctionnaires a aggravé la situation en raison du non paiement ou du retard de paiement des salaires des enseignants contractuels.

Perturbations et mécontentement

De manière inévitable, les grèves d’enseignants réduisent le temps passé en salle de classe pour les élèves et viennent s’ajouter à d’autres facteurs qui nuisent à la qualité de l’éducation et aboutissent à une perte d’apprentissage, tels qu’un financement inadéquat, des pénuries d’enseignants, des infrastructures défaillantes, et ainsi de suite. Par exemple, en Guinée-Bissau, au cours des cinq années écoulées, les grèves d’enseignants ont eu des répercussions négatives sur au moins un tiers de l’année scolaire. Dans plusieurs autres pays d’Afrique de l’Ouest, la frustration a atteint un tel point que les élèves ont manifesté dans la rue pour revendiquer leur droit à l’éducation. C’est ce qui s’est passé au Sénégal en janvier dernier. Ainsi, après plusieurs semaines sans école et craignant d’être mal préparés pour leurs examens, les élèves ont manifesté pour exiger une résolution rapide du conflit entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants.

Alors que les pays sortent à peine des fermetures d’écoles liées à la pandémie de COVID-19, les élèves et leurs familles redoutent de perdre une année scolaire de plus. Au Sénégal, la crainte d’une année blanche a marqué le début de 2022. Après toute une série de démissions et de grèves, les enseignants ont exigé du gouvernement qu’il honore les accords conclus en 2018 concernant les structures de rémunération.

Les interruptions de l’éducation ne touchent pas seulement les populations locales, mais aussi le développement des connaissances à l’échelle mondiale. Des grèves académiques se déroulent actuellement au Nigeria pour réclamer l’application d’un accord de 2009 visant à améliorer la rémunération et à investir dans la recherche universitaire nigérienne.

L’une des difficultés entravant la défense des intérêts des enseignants dans la région réside dans la fragmentation en plusieurs petits syndicats d’enseignants qui, bien souvent, ne sont pas reconnus par les autorités. Au Togo, par exemple, le Syndicat des enseignants du Togo (SET) est en grève pour réclamer, entre autres, une indémnité de logement, le recrutement d’enseignants supplémentaires pour renforcer le corps enseignant et une meilleure reconnaissance de la profession. Cependant, du point de vue du gouvernement togolais, qui ne reconnaît pas officiellement le SET, cette grève est sans fondement juridique et plus de 100 enseignants grévistes ont été démis de leurs fonctions.

Il est crucial d’améliorer les mécanismes de dialogue social à tous les stades de l’élaboration des politiques pour prévenir et mieux gérer les crises

 La relation entre les gouvernements et les organisations d’enseignants, plus souvent caractérisée par le conflit que par la collaboration, doit être redéfinie. Le dialogue social, que l’Organisation internationale du Travail décrit comme étant « tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs selon des modalités diverses, sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun », constitue un moyen important d’aligner les objectifs du gouvernement et des enseignants et d’établir des relations harmonieuses entre les deux parties dans le but d’assurer une éducation de qualité.

Comme décrit dans le Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante, l’élaboration de politiques efficaces suppose la création d’espaces et de mécanismes qui facilitent le dialogue social entre les gouvernements et toutes les parties prenantes, en particulier les enseignants et leurs représentants. L’urgence de la situation actuelle, où l’on doit remédier à des problèmes exacerbés par des crises, pourrait contribuer à renforcer la coopération entre les gouvernements et les syndicats d’enseignants en matière d’élaboration des politiques. Malheureusement, et en partie à cause des mesures mondiales rapides de fermeture des écoles, on a observé peu d’exemples de dialogue social fructueux entre les gouvernements et les syndicats au début de la pandémie de COVID-19. Cependant, dans le cadre de la reprise de l’enseignement, les conflits entre les syndicats et les gouvernements pourraient être atténués en veillant à inclure les enseignants à tous les niveaux du processus d’élaboration des politiques et ce, de manière permanente.

Enseignements cruciaux pour améliorer le dialogue social

Pour renforcer le dialogue social en Afrique subsaharienne, les dirigeants syndicaux et les gouvernements doivent comprendre clairement quels sont leurs rôles et responsabilités. Les dirigeants syndicaux doivent être mieux formés sur le fonctionnement des systèmes éducatifs afin de pouvoir communiquer efficacement les besoins des enseignants au moyen des canaux existants, participer à l’élaboration des politiques, et plaider en faveur de leurs membres et mobiliser ces derniers. Pour leur part, les gouvernements doivent comprendre leurs responsabilités de garantir les principes et droits fondamentaux au travail, dont la liberté d’association et la négociation collective. Par exemple, on pourrait renforcer la pratique du dialogue social dans l’éducation au moyen de formations conjointes réunissant les gouvernements, les organisations d’employeurs concernées et les syndicats d’enseignants.

La liberté d’association et la négociation collective, de même que l’autonomie et la légitimité des syndicats, sont également essentielles pour éviter d’être perçu comme étant trop politisé. En soutenant des voies de communication transparentes et en trouvant des arguments clairs et rassembleurs, les syndicats peuvent acquérir la force nécessaire pour exercer efficacement leur droit de négociation collective. Ils doivent éviter la fragmentation et les intérêts concurrents et s’unir pour défendre les intérêts des enseignants à différents niveaux et dans différentes circonstances. Par ailleurs, les syndicats doivent mieux impliquer les femmes, qui sont souvent sous-représentées, en particulier aux postes de direction.

Afin de favoriser la participation et la gouvernance démocratique, les gouvernements et les syndicats doivent privilégier une approche fondée sur le contexte national ou local assortie d’un dialogue politique transparent, participatif et responsable. Il faut également que les principales activités favorisant le dialogue social (partage d’informations, consultation, négociation) puissent être organisées régulièrement en toute transparence et qu’elles génèrent des résultats positifs.

Stratégies de médiation et de résolution des conflits visant à éviter de perdre de vue l’objectif commun d’une éducation de qualité pour tous

 Dans certains cas, les organes de médiation et une participation sociale globale à l’éducation ont joué un rôle important pour faciliter la conclusion d’accords à l’amiable entre les syndicats et le gouvernement. Au Sénégal, la Coalition nationale de l’éducation pour tous considère que sa mission consiste en partie à garantir l’apaisement du système éducatif, et elle a pris part à la négociation réussie des récents accords concernant les régimes de retraite et de validation de carrière.

Le Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante indique que la participation à l’élaboration des politiques peut prendre de nombreuses formes, comme des consultations, des requêtes officielles et non officielles pour conseils, des réunions publiques et un plaidoyer de la part de différents acteurs. On peut citer un exemple d’élaboration inclusive d’une politique au Ghana, où l’équipe spéciale nationale du Ghana sur les enseignants a été mise en place pour soutenir l’élaboration d’une politique nationale complète sur les enseignants, qui définit une vision et une orientation en matière de recrutement, de formation, de développement professionnel et de bien-être des enseignants. La mission de cette équipe spéciale consistait avant tout à établir un cadre pour le dialogue social et à améliorer les mécanismes de retours d’information aux niveaux local, régional et national.

Au Bénin, en Guinée et au Togo, les décideurs politiques et les parties consultées pendant l’élaboration des nouvelles politiques enseignantes holistiques ont accepté d’élaborer un module supplémentaire sur le dialogue social, en reconnaissance de son importance au vu du contexte national.

Le dialogue social comme moyen d’améliorer la qualité de l’éducation

Bien que les progrès réalisés précédemment en matière d’accès à l’éducation soient importants, pour atteindre le quatrième objectif de développement durable qui vise à « assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie », il faut adopter une approche globale incluant une meilleure compréhension des motivations des enseignants, et notamment de leurs efforts pour participer à des actions collectives visant à satisfaire leurs besoins, y compris, si nécessaire, des grèves. L’institutionnalisation du dialogue social, en incluant les enseignants à chaque étape de l’élaboration des politiques, et l’intégration explicite de son rôle ans des politiques enseignantes holistiques demeureront des leviers importants pour soutenir la négociation collective et favoriser l’appropriation par les enseignants des priorités et des politiques éducatives nationales.

La presse internationale ne s’intéresse pas encore assez aux grèves d’enseignants en Afrique de l’Ouest et dans la région plus large de l’Afrique subsaharienne, et elles ne font pas l’objet de recherches suffisantes concernant leurs effets sur la résolution des préoccupations des enseignants, la perte d’apprentissage, l’éducation et la société. Alors que certains éléments montrent que les grèves ont eu des effets à court et à long termes sur les élèves dans les pays à revenu élevé, on manque encore de données en Afrique subsaharienne. Pour comprendre la capacité du dialogue social à atténuer les effets des grèves de manière systématique et adaptée au contexte, il faut adopter des approches innovantes tirées de contextes variés et mener davantage de recherches pertinentes et opportunes.

Crédit photo : Education International

Nouvelles
  • 04.06.2021

Encourager le dialogue social dans l’éducation : quatre enseignements tirés des initiatives menées en Afrique subsaharienne

La participation des enseignants aux décisions politiques est essentielle à l’émergence de solutions communes et au renforcement de la gouvernance dans le secteur de l’éducation. Le dialogue social peut également contribuer à harmoniser les mesures politiques et à améliorer la coopération entre les pouvoirs publics et les enseignants qui appliquent les normes et politiques nationales dans leurs pratiques éducatives. On peut donc considérer l’efficacité du dialogue social comme un facteur déterminant de la qualité de l’éducation. Pourtant, durant la pandémie de COVID-19, qui a perturbé le travail de plus de 100 millions d’éducateurs et d’auxiliaires à travers le monde, les enseignants et les organisations qui les représentent ont rarement été consultés au sujet des décisions relatives à la fermeture ou à la réouverture des établissements scolaires.

Une table ronde virtuelle organisée à l’occasion de la conférence 2021 de la Société internationale d’éducation comparée (CIES) a mis en lumière des moyens de renforcer le rôle des enseignants en matière de dialogue social, à partir d’exemples provenant d’Afrique subsaharienne. Cette table ronde réunissait des experts et des représentants de l’Internationale de l’Éducation, de l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030, du projet FORSYNC au Togo, un représentant syndical de la République démocratique du Congo, ainsi qu’un expert indépendant du domaine de l’éducation en Afrique subsaharienne. Elle se proposait de recenser les difficultés rencontrées et les occasions à saisir pour favoriser un dialogue social plus constructif en s’appuyant sur l’expérience acquise sur le terrain et les enseignements tirés en la matière.

 

Qu’entend-on par dialogue social ?

Le dialogue social est un concept central de la négociation collective, largement reconnu dans de nombreux pays. Selon la définition de l’Organisation internationale du Travail, ce terme désigne « tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs selon des modalités diverses, sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun ». Dans le secteur de l’éducation, cela inclut les échanges entre les pouvoirs publics et les enseignants représentés par leurs syndicats. Les principaux problèmes de ce secteur pourraient être résolus grâce à des mécanismes et des processus de dialogue social efficaces, c’est pourquoi ceux-ci devraient être institutionnalisés et protégés juridiquement. Il peut également s’agir de dispositifs informels ou d’une combinaison des deux.

Dennis Sinyolo, coordonnateur principal du Bureau régional africain de l’Internationale de l’éducation, a souligné l’importance des échanges entre pouvoirs publics et enseignants, affirmant que « le dialogue social est essentiel à l’établissement d’un consensus professionnel et à la participation démocratique du corps enseignant, à travers une négociation collective réunissant les principales parties prenantes du secteur de l’éducation. »

Plus récemment, une attention particulière a également été accordée au rôle de la participation sociale dans l’éducation. Cette notion, dont la définition n’est pas aussi consensuelle, renvoie au fait que d’autres partenaires prennent part au dialogue politique et influencent les décisions et leurs effets : organisations de la société civile, organisations non gouvernementales, associations de bénévoles, parents et élèves, organisations confessionnelles, fondations, entreprises du secteur privé, etc. La participation sociale est considérée comme distincte mais complémentaire des processus et mécanismes traditionnels de dialogue social. L’ampleur de la participation de ces acteurs peut varier, de même que le pouvoir d’action et les moyens d’expression des personnes directement concernées par les politiques éducatives. Quelle que soit sa forme (simple consultation, dialogue ou véritable délibération, voire administration, redevabilité et suivi conjoints), cette participation a toujours pour objectif d’améliorer continuellement la qualité et la pertinence de l’enseignement.

Au cours de la conférence, les membres du panel ont livré quatre enseignements de premier plan sur les moyens d’encourager un véritable dialogue social en Afrique subsaharienne.

 

Enseignement numéro 1 : les représentants du personnel enseignant doivent être formés afin de développer leurs compétences techniques

Dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne, les syndicats ne disposent pas des capacités nécessaires pour contribuer activement et de façon constructive à l’élaboration et au suivi des politiques éducatives et des plans sectoriels. Au vu de ce constat, le projet Formation syndicale (FORSYNC) a entrepris de renforcer les capacités techniques des syndicats mais également des organisations d’enseignants grâce à des formations sur le plaidoyer, la mobilisation et la conduite de consultations et de négociations. Ces formations visent également à mieux faire connaître le système éducatif et ses diverses filières aux membres des syndicats.

Selon Aichath Sidi, représentante du projet FORSYNC au Togo, ce renforcement des compétences techniques et des connaissances est essentiel à l’instauration d’un dialogue social effectif permettant d’améliorer les politiques éducatives. Les échanges et les consultations menées auprès des syndicats ont en effet révélé que

[l]es formations doivent porter sur l’élaboration des politiques éducatives et leur suivi (examens sectoriels conjoints) ; sur l’utilisation des indicateurs de l’enseignement et des enquêtes auprès des enseignants ; sur les évaluations des acquis, l’établissement de rapports sur les résultats et l’analyse des répercussions de crises telles que celle de la COVID-19 (conséquences et perspectives pour l’enseignement à distance). Ces formations doivent en outre adopter une approche inclusive et soucieuse de l’égalité des genres, qui tienne compte des personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées. »

 

Enseignement numéro 2 : les syndicats d’enseignants doivent bénéficier d’une autonomie plus accrue

L’instauration d’un dialogue social est hautement tributaire de l’autonomie, de l’influence et de la légitimité des syndicats d’enseignants. L’exemple de la République démocratique du Congo (RDC) montre que la réussite du dialogue social peut être compromise par la perception, au sein des ministères gouvernementaux, d’une « politisation » des différents syndicats d’enseignants. L’échec du dialogue social peut aussi s’expliquer par la multiplication et la fragmentation des syndicats, et par l’absence d’une représentativité établie.

Les syndicats d’enseignants doivent être puissants et unifiés pour surmonter les difficultés existantes, en particulier lorsque les pouvoirs publics ne sont pas disposés à engager un dialogue social constructif et une véritable négociation collective. Les syndicats doivent donc trouver le juste équilibre : protéger leur autonomie et accroître leur influence politique, sans pour autant être considérés comme « trop politisés » par les gouvernements.

Le renforcement des compétences techniques et la formation peuvent également contribuer à dépolitiser les syndicats, affirmer leur autonomie, et de ce fait consolider le dialogue social. Comme l’explique Jacques Taty, représentant syndical en RDC,

[n]ous organisons depuis le début de l’année des séances de formation et d’information sur les fondamentaux du syndicalisme à l’intention des différents membres des organisations syndicales afin que ces organisations gagnent en compétences et que les enseignants, une fois formés, puissent défendre leurs propres intérêts et contribuer activement à l’élaboration des politiques éducatives et au suivi de leur mise en œuvre. »

 

Enseignement numéro 3 : l’environnement politique joue un rôle important

La progression de la participation sociale, de la démocratie et de la gouvernance n’est possible que si le contexte national ou local permet un dialogue politique transparent, participatif et responsable. Il faut également que les principales activités favorisant le dialogue social (partage d’informations, consultation, négociation) puissent être organisées régulièrement en toute transparence et qu’elles génèrent des résultats positifs.

Le projet FORSYNC a toutefois mis en évidence une sous-représentation des femmes dans les différents syndicats d’enseignants, alors même que celles-ci constituent une large majorité du personnel enseignant dans de nombreux pays. Les syndicats doivent donc veiller à ce que les femmes, compte tenu de leur poids démographique, bénéficient d’une représentation plus équitable dans le dialogue social. Des études antérieures ont en outre montré que les femmes jouent un rôle déterminant dans la cohésion des syndicats et sont généralement moins enclines aux querelles de pouvoir, souvent sources de conflit et de dissensions (Bureau international du Travail, 2010).

D’autres stratégies s’avèrent également prometteuses pour parvenir à un dialogue social constructif et combattre la réticence des ministères à y prendre part. La Fédération nationale des enseignants et éducateurs du Congo et l’Union nationale des travailleurs du Congo (FENECO/UNTC) ont par exemple adopté des stratégies visant à former les syndicalistes, mais également à faire pression sur les ministères de l’éducation en préparant et en diffusant des communiqués de presse ainsi que des émissions de radio et de télévision.

 

Enseignement no 4 : les autres acteurs de l’éducation doivent également être impliqués (participation sociale)

En République démocratique du Congo, le dialogue social dans le secteur de l’éducation repose sur des principes fondamentaux inscrits dans la législation (loi no 14/004 du 14 février 2014 sur l’enseignement national, par exemple), ce qui garantit une approche partenariale en vertu de laquelle l’État associe les différents acteurs pour mettre en commun les ressources humaines, matérielles et financières. Cette approche coopérative, qui encourage la participation sociale dans le secteur de l’éducation, vise à impliquer tous les acteurs dans la conception et la gestion de l’enseignement national : parents, défenseurs des établissements privés agréés de l’enseignement national, représentants des confessions religieuses, communautés locales, autorités des différentes provinces, entités territoriales décentralisées, entreprises nationales publiques et privées, organisations non gouvernementales,etc.

Selon M. Taty,

la participation d’autres partenaires est également indispensable, c’est pourquoi les syndicats doivent sortir de leur rôle traditionnel, qui, cantonné aux exigences et aux revendications, a montré ses limites. »

À l’heure de la mondialisation, il est nécessaire de repenser les alliances, et les syndicats doivent nouer des partenariats avec de nouveaux acteurs tels que les centres de recherche et les universités, ce qui pourra contribuer à l’établissement de réseaux en faveur de l’apprentissage, de la recherche et des échanges.

Le projet FORSYNC est soutenu par le Centre de recherche et de sondage d’opinion (CROP), une organisation indépendante et non politisée de chercheurs africains travaillant dans différents domaines. Partenaire national du réseau de recherche de l’Afrobaromètre pour le Togo depuis 2012, le CROP a déjà conduit quatre séries d’enquêtes au Togo parallèlement à d’autres études. Ces enquêtes prennent le pouls de l’opinion publique concernant des sujets économiques, politiques et sociaux sur tout le continent africain. Plus récemment, le projet a également organisé des discussions avec les syndicats et publié des articles afin d’améliorer la visibilité des syndicats et de leurs besoins. En outre, des formations ont déjà été dispensées en collaboration avec la FENECO, et d’autres séances de formation sont prévues, notamment sur le suivi et l’évaluation des politiques éducatives.

 

Conclusion

Le dialogue social entre pouvoirs publics, employeurs et syndicats d’enseignants est essentiel pour façonner un environnement de travail positif et trouver des solutions concertées et consensuelles. C’est également un élément indispensable pour éviter les approches trop verticales dans le secteur de l’éducation, comme certains pays ont pu en faire l’expérience au plus fort de la crise de la COVID-19.

Pour améliorer les conditions de vie et de travail des enseignants et la qualité de l’enseignement en général, les syndicats d’enseignants et les autres acteurs doivent être en mesure de proposer des idées différentes et innovantes en complément de celles proposées par les gouvernements et les établissements d’enseignement privés. À cette fin, les syndicats doivent faire preuve d’autonomie et être moins fragmentés, plus investis et mieux armés. La formation par différents partenaires peut contribuer à combler bon nombre de ces lacunes et donner aux syndicats les moyens de collaborer à l’élaboration de solutions communes. Les mécanismes et processus traditionnels de dialogue social peuvent par ailleurs être complétés par une ouverture à d’autres partenaires et une coopération continue en matière de dialogue politique et de participation sociale.

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Crédit photo : The Sunday Times/Antonio Muchave
Légende : Teachers from independent schools and members of the SA National Civic Organisation protest outside the Gauteng education department about the non-payment of salaries.

Événement
  • 23.03.2021

Les syndicats d'enseignants et les crises (de l'éducation) : L'efficacité du dialogue social en Afrique francophone

Rejoignez-nous pour une table ronde sur les syndicats d'enseignants et les crises (de l'éducation) : L'efficacité du dialogue social en Afrique francophone à la Conférence CIES 2021. La discussion aura lieu sur Zoom Room 128 le mercredi 28 avril de 8h00 à 9h30 PDT (17h00 à 18h00 heure de Paris)

Inscrivez-vous ici. L'événement est uniquement ouvert aux membres du CIES. 

La discussion se tiendra en anglais et en français avec une transcription en direct et un sous-titrage automatique en anglais. 

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Ce panel explorera les différentes formes de dialogue social et l'implication des syndicats d'enseignants dans le développement des politiques éducatives dans les pays africains francophones. Par les enseignements tirés de différents cas, ce panel vise à questionner le dialogue social tout en identifiant les questions relatives à la participation des enseignants dans différents pays et sa relation avec les différentes économies politiques. De plus, la variété des cas peut apporter une perspective sous-régionale du contexte et vise à inviter les chercheurs à approfondir ce sujet peu exploré.

Les différents points de vue et expériences comprennent trois présentations complémentaires. Premièrement, un aperçu d'une recherche en cours menée par le Groupe de travail international sur les enseignants pour l'éducation 2030 qui fera la lumière sur le dialogue social dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Deuxièmement, le projet FORSYNC met en lumière des approches pratiques pour favoriser les capacités techniques des syndicats dans six pays d'Afrique subsaharienne. Troisièmement, une étude de cas empirique critique de la République démocratique du Congo apporte des nuances à la fois aux leçons apprises et aux approches innovantes en examinant la situation concrète dans un contexte politique difficile.

Document de réunion
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  • 08.04.2020
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Rapport de la douzième session du CEART

Le présent rapport résume l'analyse des principales questions concernant la condition du personnel enseignant dans le monde à tous les niveaux de l'éducation par le Comité conjoint OIT/UNESCO d...