Aller au contenu principal

Transformer notre compréhension des enseignant.e.s réfugié.e.s et de l’enseignement dans les contextes de déplacement forcé

Chris Henderson, coprésident de la Inter-agency Network for Education in Emergencies (INEE) Teachers in Crisis Contexts (TiCC) Working Group et Teachers College, Columbia University.


Dans les zones d’installation de populations réfugiées, les enseignant.e.s contribuent plus que tout autre facteur scolaire à l’apprentissage et au bien-être des enfants. Les enseignant.e.s réfugié.e.s sont en outre armés de solides connaissances locales et d’une volonté d’améliorer la réponse aux crises, ainsi que les résultats sur le plan de la sortie de crise. Pourtant, malgré leur rôle crucial et le contexte difficile dans lequel ils assurent la continuité de l’apprentissage, les enseignant.e.s réfugié.e.s ne reçoivent pas toujours le soutien dont il.elle.s ont besoin.

Bien que visibles auprès des acteurs du secteur de l’éducation dans le domaine humanitaire, il.elle.s continuent d’être largement ignorés dans les examens sectoriels des systèmes éducatifs nationaux qui orientent la planification pluriannuelle de l’éducation, ainsi que dans les budgets qui prennent en compte les besoins des enseignant.e.s. Il convient donc d’accorder une plus grande attention aux difficultés que ces enseignant.e.s rencontrent et de les inclure dans les plans visant à la réalisation de l’ODD 4.

Des conditions d’enseignement difficiles

Les enseignant.e.s travaillant dans les zones abritant des populations réfugiées sont confronté.e.s à des conditions de travail particulièrement éprouvantes. En effet, les régions où les personnes réfugiées sont autorisées à s’installer sont souvent dépourvues de salles de classe adéquates, de matériel pédagogique et d’autres ressources de base. Les salles de classe sont plus susceptibles d’être surpeuplées, multi-âges, multi-aptitudes et multilingues, surtout dans les premières années, lorsque sont enseignées les compétences de base en matière de lecture, d’écriture et de calcul. Les enseignant.e.s sont souvent obligé.e.s d’enseigner par roulement, couvrant moins de matière en moins de temps, avec des attentes moindres en termes de résultats d’apprentissage. Il.elle.s peuvent également être amené.e.s à enseigner des matières dans une deuxième ou troisième langue, ou à recourir à des méthodes pédagogiques hybrides.

Par ailleurs, les enseignant.e.s réfugié.e.s travaillent avec des enfants et des jeunes qui ont vécu ou ont été témoins des souffrances aiguës et chroniques de leurs familles et de leurs proches. Ces enfants et ces jeunes sont plus susceptibles de présenter des troubles de l’apprentissage ou du comportement liés non seulement à l’interruption de leur éducation, mais aussi aux difficultés qu’il.elle.s rencontrent au quotidien.

Manque de possibilités de formation

Là où des opportunités de développement professionnel avant et pendant le service existent pour les enseignant.e.s réfugié.e.s, elles tendent à être sporadiques et de qualité variable. La diversité des acteurs non étatiques qui apportent un soutien à la gestion et au développement des enseignant.e.s dans des contextes de déplacement forcé limite également les réponses prévisibles et durables aux besoins professionnels, personnels et familiaux des enseignant.e.s.

Un parcours professionnel incertain

La plupart des enseignant.e.s réfugié.e.s vivent là où leur droit à la protection internationale est reconnu, ce qui signifie, en somme, qu’il.elle.s ont le droit de ne pas être renvoyés de force dans leur pays d’origine. Or, la protection des personnes réfugiées ne garantit pas nécessairement la reconnaissance des qualifications pour l’emploi, ni l’accès à des opportunités de développement professionnel continu lorsque les enseignant.e.s ne sont pas diplômé.e.s ou sont sous-qualifié.e.s.

Il est temps de reconnaître le rôle des enseignant.e.s réfugié.e.s

Il nous arrive si souvent de défendre la cause des enseignant.e.s et de rendre hommage à leur travail. Pourtant, en tant que responsables politiques et professionnel.le.s du secteur humanitaire, nous nous devons de joindre la parole à l’acte et de respecter notre engagement envers la profession en réimaginant et en transformant notre compréhension commune des enseignant.e.s et de la valeur de leur travail dans les contextes d’accueil de personnes réfugiées. Sans un soutien et une reconnaissance suffisants des enseignant.e.s réfugié.e.s, l’accès à l’éducation et les résultats d’apprentissage des enfants touchés par le déplacement forcé resteront précaires et l’objectif 4 des ODD ne sera pas atteint.

Il est donc temps d’accorder aux enseignant.e.s réfugié.e.s le statut et les conditions qu’il.elle.s méritent et dont il.elle.s ont désespérément besoin ; il est temps de donner une visibilité aux enseignant.e.s réfugié.e.s. Un mouvement vers l’inclusion des personnes réfugiées au sein des systèmes éducatifs nationaux suite à l’adoption du Pacte mondial sur les réfugiés (GCR) en 2018 offre une opportunité d’action. Il s’agit d’accorder un soutien prévisible et durable pour les enseignant.e.s réfugié.e.s, un développement professionnel continu et l’accès à des conditions de travail équitables et décentes.

Vers une compréhension commune des enseignant.e.s dans les contextes d’accueil de réfugié.e.s

Afin d’inclure les points ci-dessus à l’ordre du jour de la Piste d’action 3 – enseignants, enseignement et profession enseignante – du Sommet « Transformer l’éducation », et d’œuvrer en faveur d’une compréhension commune des enseignant.e.s et de l’enseignement dans les contextes d’accueil des réfugiés, le HCR, l’INEE et l’Internationale de l’Éducation (IE) organiseront conjointement une réunion dans le cadre du prochain pré-Sommet « Transformer l’éducation » à Paris.

Nous réunirons les représentant.e.s de gouvernements, des Nations Unies, des organisations internationales non gouvernementales et des organisations de la société civile aux côtés d’enseignant.e.s et de jeunes réfugié.e.s du Tchad, du Kenya et du Venezuela pour discuter et débattre des défis suivants :

  1. Qui considérons-nous comme des « enseignant.e.s » dans les contextes d’accueil des réfugié.e.s ? De nouvelles définitions et conditions préalables à l’entrée dans la profession pourraient-elles constituer une partie de la solution à la pénurie mondiale d’enseignant.e.s ?
  2. Comment, le cas échéant, reconnaître et régulariser les enseignant.e.s communautaires et réfugié.e.s comme partie intégrante du corps enseignant professionnel dans les contextes d’accueil des réfugié.e.s ?
  3. Quelles sont les limites ou les obstacles des cadres juridiques et des mécanismes de financement actuels, et quelles sont les approches innovantes qui existent pour surmonter les difficultés de financement ?

Cette session sera également l’occasion de donner la parole aux enseignant.e.s et aux jeunes réfugié.e.s afin de leur permettre de partager leurs expériences et de contribuer à l’élaboration d’un programme de transformation des services d’éducation dans les contextes de crise à l’échelle mondiale.

L’un des principaux résultats de cette réunion consistera en un ensemble de recommandations, élaborées par les facilitateur.rice.s de la réunion représentant l’INEE, le HCR et l’IE, et soumises à l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030 en vue de leur examen et leur inclusion dans les déclarations ultérieures du sommet Transformer l’éducation relatives à la Piste d’action 3.

Nous vous invitons à participer en personne ou via webcast à cette importante réunion qui se tiendra le jeudi 30 juin de 13h00 à 15h00 CET. Nous avons besoin de votre voix pour rendre visibles et mettre en valeur les enseignant.e.s réfugié.e.s lors du sommet Transformer l’éducation qui se tiendra à New York en septembre.

Pour plus de détails, veuillez consulter le programme du pré-sommet ici.

Crédit photo: M'Bera refugee camp, Mauritania. EU/ECHO/José Cendón