Aller au contenu principal

Comment l’apprentissage par le jeu a aidé les enseignants à favoriser le bien-être des enfants lors de la réouverture des écoles

Lorsque les enfants ont repris l’école après les fermetures liées à la pandémie, de nombreux enseignants ont constaté que le jeu les aidait à retrouver une routine d’apprentissage. Leurs expériences s’ajoutent aux preuves croissantes fournies par la recherche sur la façon dont l’apprentissage par le jeu peut aider à développer des compétences telles que la créativité et la collaboration.

Des enseignants et des experts ont partagé leurs points de vue lors d’une session du 13ème Forum de dialogue politique sur l’innovation organisé par l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030, à Kigali (Rwanda), au début du mois de décembre 2021. Regardez la session en replay ici.

Qu’est-ce que l’apprentissage par le jeu ?

Ruth Mbabazi, du programme Let’s Learn through Play (apprenons par le jeu) de Voluntary Service Overseas, explique : « Le jeu est joyeux : les enfants s’expriment avec plaisir en jouant. Le jeu est socialement interactif : les enfants communiquent, nouent des relations et collaborent. Le jeu est itératif : les enfants évaluent et ré-évaluent leurs connaissances, en explorant différentes notions. »

« Il est prouvé que ces caractéristiques aident les enfants à apprendre mieux et de manière plus approfondie, ajoute Lieve Leroy de l’Association flamande pour la coopération au développement et l’assistance technique (VVOB). L’apprentissage ne se limite pas à l’acquisition de connaissances et de compétences académiques, mais doit favoriser la progression de l’enfant dans plusieurs domaines, tels que les compétences émotionnelles, sociales et physiques. Le jeu facilite ce développement holistique. »

Pendant les confinements, de nombreux enfants ont perdu l’occasion de jouer. Au cours de la session, les enseignants ont expliqué comment l’apprentissage par le jeu avait largement contribué à rétablir leur bien-être mental, en leur permettant d’exprimer à nouveau leur imagination et leur curiosité, et en leur apprenant à faire preuve de persévérance et à résoudre les conflits.

Comme le dit l’enseignant Eric Ndayishimiye : « Les approches basées sur le jeu ont créé un espace de collaboration. Elles ont contribué à encourager l’autorégulation en incitant les élèves à contrôler leur comportement, leurs émotions et leurs pensées en vue d’objectifs à long terme. »

Toutefois, si les parents comprennent instinctivement la valeur de l’apprentissage par le jeu pour les très jeunes enfants, ils ne comprennent pas toujours que cela s’applique à tous les niveaux d’enseignement. Il est courant que les parents soutiennent le jeu en maternelle, mais s’opposent aux tentatives des enseignants de l’instituer au primaire et au-delà. 

Faire participer les parents

Lorsque les écoles étaient fermées, les jeux avec les parents permettaient aux enfants de continuer à apprendre à la maison. Comme l’a expliqué Hugh Delaney de UNICEF Rwanda : « La réouverture des écoles nous offre l’opportunité de renforcer les interactions avec les parents grâce à une vision commune de l’apprentissage par le jeu. C’est également l’occasion d’impliquer davantage les parents dans l’éducation de leurs enfants. » 

Cette approche prépare également les enfants aux bouleversements futurs. En jouant avec les enfants, les parents les aident à acquérir un large éventail de compétences comme la planification, le contrôle et la maîtrise de soi, la gestion du temps et l’autorégulation. Tous ces éléments contribuent à la résilience de l’enfant, ce qui lui permet d’être moins perturbé par les crises.

Il est essentiel de trouver le bon moyen d’atteindre les parents. Lieve Leroy a fait part de l’expérience de VVOB, qui a travaillé avec l’Union des femmes vietnamiennes pour que les communautés aident les enseignants à introduire un enseignement plus ludique en classe.

Les enseignants ont également besoin du soutien d’un environnement politique plus large, du niveau local au niveau national, de l’élaboration des programmes à la formation des enseignants, en passant par la budgétisation, l’inspection et l’évaluation. Il faut pour cela changer d’état d’esprit, en abandonnant l’idée traditionnelle selon laquelle les enseignants sont les maîtres du savoir et les considérer plutôt comme des facilitateurs de l’apprentissage. Cela implique que tous les protagonistes considèrent les enfants comme des acteurs compétents de leur éducation, plutôt que comme des vases vides à remplir.

Les enseignants présents à la session ont souligné l’importance de relier de manière explicite une vision commune du développement de l’enfant au système éducatif et au programme scolaire. L’importance de soutenir des processus participatifs visant à élaborer des outils d’apprentissage par le jeu qui reflètent les expériences locales et le patrimoine culturel a également été soulignée.

Enseigner la technique 

Les principales questions qui se posent sont les suivantes : faut-il rendre l’apprentissage par le jeu facultatif ou obligatoire ? Quelle formation continue est nécessaire ? Comment évaluer les compétences des enfants de manière plus large que la lecture, l’écriture et le calcul ?

Comme le précise Lieve Leroy : « Les enseignants ont besoin d’un environnement où ils peuvent faire des erreurs, où ils peuvent tenter des choses et se sentir en sécurité pour le faire. L’inspection et l’évaluation doivent être alignées sur cette approche. »

Les participants à la session ont discuté du rôle des innovations technologiques et sont parvenus à un constat commun : elles peuvent se révéler utiles pour améliorer l’apprentissage par le jeu. Les animations, les outils multimédias et la ludification peuvent donner vie à certaines notions et permettre aux enfants d’apprendre de manière volontaire et inconsciente.

Clement Kabiligi, de la Fondation Imbuto, a remarqué que les applications bien conçues donnent aux enfants les bonnes incitations : « Les applications félicitent les enfants qui obtiennent les bonnes réponses, mais même lorsqu’ils se trompent, ces derniers ne sont pas frustrés, car les applications les motivent de manière créative à réessayer jusqu’à ce que les réponses soient justes. »

Retour aux fondements du jeu

Toutefois, les participants s’accordent également à dire que la technologie n’est pas indispensable à l’apprentissage par le jeu. Pour reprendre les mots d’Emmanuel Murenzi, de l’International Education Exchange : « Il n’est pas nécessaire d’avoir des gadgets. Je joue à cache-cache avec mes enfants... Nous aidons les parents à comprendre qu’il faut revenir à l’essentiel : les jeux, les chansons, le sport, tout ça. »

Les participants à la session ont identifié les compétences dont les enseignants ont besoin pour mettre en œuvre l’apprentissage par le jeu. Clement Kabiligi a mentionné l’importance d’être drôle, car « si l’on ne s’amuse pas, l’apprentissage par le jeu ressemble à une simple liste de choses à faire, ce qui ne le rend pas très engageant ». David Rugaaju, de Right to Play, a donné plusieurs exemples, tels que « la capacité à créer un environnement ludique » et « permettre à l’enfant d’être acteur de son processus d’apprentissage ».

Pour acquérir ces compétences, les enseignants doivent bénéficier d’un soutien efficace et d’un environnement favorable, ce qui signifie que tout le monde autour d’eux (des acteurs institutionnels aux parents dans les communautés) doit être sensibilisé à l’importance de l’apprentissage par le jeu.

Crédit photo : Save the Children